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Leica M9: rencontre avec une légende

Il y a des rencontres qui ne laissent pas indifférent. En photographie, Leica a une aura que bien des marques aimeraient partager. Il y a quelque temps, Leica France me confiait un M9, premier appareil télémétrique plein format 24x36 numérique de la marque, après un M8 qui faisait plus figure de transition.

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Ecartons d’emblée le côté “bling bling” et la jalousie que peut susciter ce type de matériel hors norme: comme Rolex en horlogerie, le positionnement haut de gamme et luxueux de Leica en fait pour certains des appareils statutaires. C’est certainement vrai pour les petits compacts, qui sont vendus bien plus chers que leurs homologues Panasonic dont ils dérivent. En revanche, le M9 et le récent X1 sont des créations maison qui s’adressent avant tout à des passionnés à la recherche d’une finition et d’une simplicité que l’on ne retrouve quasiment plus ailleurs. Pour les autres, il reste les éditions Hermès et consorts, à afficher nonchalamment sur une table de bistro!

Découverte du boitier

La première chose qui surprend, c’est l’extrême compacité de l’ensemble! Pour les habitués des réflex 24x36 comme le Canon 5D ou le Nikon D700, le Leica M9 dispose d’un gabarit bien inférieur, que l’on ne peut qu’envier pour voyager léger et glisser l’appareil dans n’importe quel sac. Leica précise d’ailleurs à juste titre que le M9 est à l’heure actuelle le système numérique 24x36 le plus compact du marché. Pour donner un ordre d’idée, l’ensemble est encore plus compact que les petits réflex d’entrée de gamme, et l’optique 50 mm f2.5 qui l’accompagnait pas plus grande qu’un kiwi! C’est là tout l’intérêt des appareils télémétriques, qui s’affranchissent du miroir de la cage des réflex, pour une photographie plus discrète. Pour relativiser, ceux qui arrivent d’un compact trouveront toujours ce genre d’appareil plus gros, mais de toute façon ce n’est pas la clientèle visée…

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En main, l’objet est dense, faisant la part belle au métal. La finition est parfaite, les gravures précises et simples. Clin d’oeil rétro, le M9 garde la semelle en laiton de ses ainés: elle abrite ici la batterie et la carte mémoire SD.

L’ergonomie générale des boîtiers M traduit bien la recherche de simplicité de la marque. Le nombre de boutons est réduit au minimum, avec des fonctions photo toujours accessibles. Au sommet du boitier, le sélecteur de vitesse, que l’on peut passer en mode auto pour une priorité ouverture. Cette dernière se règle directement sur l’objectif, via une bague. Au dos du boîtier, un multicontrôleur entouré d’une roue tombe sous le pouce. Le premier permet de naviguer dans les menus, la seconde de corriger l’exposition. A gauche de l’écran, une poignée de boutons dont la touche de validation SET, curieusement dissociée du multicontrôleur, et un réglage direct de la sensibilité. Le menu pour sa part est très simple et ne submerge pas l’utilisateur d’options compliquées.

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Enfin, au milieu trône le petit écran de 2.5” pour 230k pixels. A l’heure des écrans luxueux des réflex modernes, celui-ci semble bien pauvre. Si la taille du boitier limite certainement celle de l’écran, et la définition s’avère suffisante à l’usage, on aurait quand même espéré mieux, surtout vu le prix de l’appareil! De même, celui-ci perd le verre saphir inrayable qui équipait le M8.2, pour du simple plastique: là encore, à ce niveau de prix, on pense plus à des économies de bout de chandelle, ou bien à de futures options à faire payer chèrement aux clients!

Prise de vue

Quelques détails techniques pour commencer, qui seront des évidences pour les habitués. Les Leica M sont des appareils télémétriques. La visée ne réflète donc pas directement l’image captée par l’objectif. Le viseur est équipé de cadres qui restituent chacun le cadrage de 2 optiques différentes. Plus la focale est longue, plus le cadre de visée sera petit. Inversement, au-delà de 24 mm, l’image ne tient plus dans le viseur. Cela explique pourquoi les appareils télémétriques ne sont pas adaptés aux grand-angles (certains comme le Tri Elmar nécessitent un viseur externe, avec toute la complexité que cela induit pour cadrer et faire la mise au point) ni aux longs téléobjectifs. Passé 90 mm, cadrer précisément devient une gageur!

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Détail de l’obturateur, peint en gris pour mesurer la lumière avec une prépondérance centrale (bande blanche)

La mise au point se fait  grâce au télémètre / stigomètre. Deux images parviennent par deux chemins différents au centre du viseur. Lorsque la mise au point est n’est pas bonne, les images sont décalées. Inversement, en faisant coïncider les 2 images, on réalise la mise au point. Simple non?

Avec un peu d’habitude, on anticipe sur la bague de l’objectif la distance approximative de mise au point, si bien que cette dernière est très rapide une fois l’oeil dans le viseur.

La zone de mise au point est cependant relativement petite, ce qui peut poser problème avec des optiques très ouvertes. Avec un 50 mm à f1.4 par exemple, la zone de netteté n’excède pas quelques millimètres pour réaliser un portrait. Or, si vous faites la mise au point sur l’oeil et recadrez ensuite, le moindre mouvement du boitier risque de vous faire rater le portrait sans que vous ne vous en rendiez compte! En comparaison, un réflex muni d’un bon viseur – j’insiste sur ce dernier point car ce n’est plus souvent le cas avec les verres microgravés! – vous permet de contrôler la mise au point de n’importe quelle partie de l’image, même si celle-ci n’est pas couverte par un collimateur de l’autofocus. Vous pouvez donc toujours la corriger manuellement…

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Comparaison de la taille du petit Summarit 50 mm f2.5: l’optique kiwi!

Autre avantage du système de cadres: la zone de visée est plus large que la zone effectivement photographiée. Cette configuration est idéale pour anticiper, viseur à l’oeil, l’arrivée d’un élément dans le champ. On demanderait bien la même chose sur les réflex!

Dernier pour sur le viseur: il est doté à sa base d’un petit afficheur à LED très basique, en surimpression de l’image. Il indique la vitesse et la sur ou sous-exposition, notamment lorsque l’on travail en manuel. Cependant, celui-ci m’a semblé quasiment illisible! Je m’explique: quand on vise, l’oeil bien en face, à l’aide du télémètre, l’affichage est flou et sort de la zone visible. Si l’on veut se concentrer sur l’affichage, on est alors obliger de regarder en biais, l’oeil en haut du viseur. Mais l’on n’est alors plus dans l’axe du viseur, et le télémètre en devient inutilisable! J’ai pu confronter ce cas avec plusieurs Leicaistes de longue date, et franchement je ne comprends pas qu’une telle erreur de conception subsiste. A minima Leica aurait pu s’inspirer des réflex en plaçant hors champs un afficheur lisible et détaillé!

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Le M9 perpétue la tradition de la semelle en laiton, pour abriter ici la batterie et la carte mémoire

La mise au point faite, il est temps de mesurer la lumière. On découvre que le déclencheur n’a pas 2 mais 3 positions:

  • La première déclenche de manière classique la mesure de la lumière, qui s’adapte en temps réel. Si vous recadrez, la mesure d’exposition variera donc avec.
  • La seconde position permet de mémoriser l’exposition. Là encore, on hésite au début pour finalement adopter ce système déroutant de simplicité.
  • Enfin, la troisième position déclenche l’obturateur.

Point de multizone ici, la mesure de la lumière est à prépondérance centrale. Les lamelles de l’obturateur, peintes selon une charte de gris, reflètent la lumière captée par l’objectif sur une cellule de mesure. Là encore, on comprend vite le comportement de l’appareil et l’on est capable d’anticiper les situations qui peuvent poser problème. Cela fait bien longtemps que je suis fidèle à cette mesure simple mais efficace!

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Le Leica M9 parvient à être plus petit qu’un Nikon D5000, un réflex à “petit” capteur APS-C pourtant déjà bien compact!

Au déclenchement, on semble redécouvrir le bruit d’un appareil d’antan! Le réarmement de l’obturateur donne en effet l’impression d’entendre la pellicule défiler dans le boitier. Un mode discret permet de différer le réarmement de l’obturateur jusqu’à ce que l’on relâche le déclencheur. In fine, je ne suis pas sûr que le niveau sonore qui a tant fait la réputation des Leica M soit spécialement inférieur à celui d’un réflex… mais je n’ai pas d’appareil de mesure pour objectiver cela.

Enfin, l’autre avantage de la visée télémétrique est de pouvoir descendre assez bas dans les vitesses. L’absence de miroir qui vient taper dans la cage réflex diminue les vibrations et permet de s’affranchir de la règle “vitesse mini = 1 / focale”. Une sorte de stabilisateur naturel!

L’électronique du boîtier est assez nonchalente. Il faut garder à l’esprit qu’en la matière, Leica n’est qu’une PME face aux mastodontes que sont Canon et Nikon, mais les opérations courantes demandent toujours un peu de temps. Ce n'est pas gênant pour l'enregistrement (il y a un buffer et je ne suis pas du genre à faire des rafales), ça l'est plus sur l'affichage des images qui se fait en 2 temps (aperçu puis image pleine définition).

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Par ailleurs, petite irritation au moment de vérifier les images sur l’écran arrière. A la prise de vue, l’affichage des informations est simple et complet. En mode lecture, pour une raison que j’ignore l’affichage se fait toujours par défaut en mode simple. Il faut à chaque fois appuyer sur la touche Info pour regagner l'histogramme. Je précise avant toute remarque que j'avais bien paramétré l'affichage de l'histogramme à la prise de vue. En revanche en mode lecture celui-ci n'apparaît pas par défaut. Une petite erreur mineure qui pourra être corrigée par simple mise à jour du firmware.

Qualité des images

Les 19 millions de pixels du capteur me faisaient craindre une montée du bruit catastrophique, d’autant que les images ne semblaient pas flatteuses sur le petit écran de contrôle. Heureusement, une fois sur LightRoom ou Aperture, on découvre des images spectaculaires:

  • Le bruit est très bien maîtrisé. On peut monter sans complexe à 1250 ISO, et la courte plage jusqu’à 2500 ISO est exploitable. Je ne sais pas s’il faut remercier les logiciels de traitement modernes ou bien la société auprès de laquelle Leica a sous-traité la partie électronique (dont le capteur spécifique d’origine Kodak).
  • Le piqué est spectaculaire sur l’ensemble de l’image, dès la pleine ouverture. Certes, le 50 mm dont je disposais était assez modeste, débutant à f2.5, mais cela traduit bien l’excellence des optiques Leica. On se prend évidemment à rêver d’un parc optique de ce calibre! Par ailleurs, le boitier est capable de corriger le vignettage des différentes optiques de la marque.
  • Le rendu des couleur est également excellent, sans surenchère. Contrairement au petit X1, je n’ai pas trop pris la balance des blancs en défaut.
  • Au passage, par nature, le diaphragme étant logé dans l’objectif sans contact électronique avec le boîtier, les données EXIF ne sont pas renseignées pour l’ouverture. Cela dit est-ce un drame…

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Une petite dédicace à vous 2, et félicitations :)

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Bien entendu, pour tirer le meilleur parti de ce boitier, on restera en RAW, ici au format DNG d’Adobe.

Au quotidien

On passe assez inaperçu dans la rue, c'est un appareil qui semble banal aux néophytes. On m’a plusieurs fois fait remarquer que je me promenais avec un appareil rétro, sans pour autant noter la petite pastille rouge de la firme de Sölms. J’en déduis que les voleurs de ce genre de matériel doivent être des esthètes :-)

La simplicité et la compacité de l’ensemble poussent à un autre type de photo, plus proche du photojournalisme pour reprendre l’exemple des aînés. Un ou 2 objectifs en poche, on s’approche des sujets, on prend part à leur quotidien, avant de déclencher en toute discrétion. Clic. Gzzzzz. Une tranche de vie devient pixels, dehors le cours des choses se poursuit. On cherche les regards, on demande une pose, on observe le paysage avant de le capturer au 35 mm. On prend son temps, tout simplement.

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Verdict

Vous l’aurez compris, cette rencontre ne m’a pas laissé indifférent. Le système télémétrique, par sa compacité, sa simplicité, séduit et renoue avec les fondamentaux de la photo, à l’heure où la technique semble prendre le pas sur le message.

Leica démontre par ailleurs avec brio sa maîtrise de l’optique, avec une image qui exploite pleinement la définition du facteur. Ajoutez-y une finition sans faille, et l’on est prêt à craquer, pour peu que la philosophie de l’ensemble vous convienne.

La qualité a cependant un prix. A 2000 Euros, le M9 serait déjà dans mon sac. A 8000 Euros avec une optique "ouverte" (5500 Euros pour le boitier, et environ 2500 Euros pour un 35 mm ou un 50 mm des gammes supérieures), certaines petites fautes techniques ne semblent pas pardonnables. Sans entrer dans une comparaison stérile avec les marques nippones, je pense que le passage au numérique met Leica dans une situation un peu délicate.. N’étant pas des électroniciens à la base: ils doivent se reposer sur des sociétés tierces pour concevoir ce qui remplace désormais la pellicule, du capteur au traitement du signal en passant par l’affichage. L’innovation est alors déléguée, et sur certains aspects ce M9 n’est donc pas au fait de la technologie (vitesse de l’électronique embarquée, qualité de l’écran, affichage dans le viseur).

Si vous en avez les moyens, ces petits défauts ne doivent pas occulter l’immense plaisir que procure ce système. Réjouissons nous, avec le M9, une saga veille de plus de 50 ans poursuit sa voie en numérique! Et espérons, secrètement, l’arrivée d’alternatives chez Zeiss ou Voigtländer, pour entretenir la tradition du télémétrique et faire peut-être baisser un peu les prix…

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Jean-François - DigitLife

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