Dans une première partie, nous avons esquissé les contours du Canon EOS 1D Mark III: un boîtier massif, robuste, bien fini, à l'ergonomie quasi exemplaire. Reste à savoir comment il se comporte sur le terrain.
Séance photos...
En situation
L'autofocus est peut-être le point qui a fait le plus de bruit autour du 1D MkIII depuis sa sortie, associé à une cadence record de 10 images/seconde avec suivi AF. La nuance est utile, car Nikon annonce pour son D3 une cadence légèrement supérieure... si l'on désactive l'AF après la première vue d'une rafale: pas très pratique pour suivre une cible qui bouge!
De bruit, il est également question car une épidémie semblait affecter cet AF. L'exemplaire dont je disposais ne présentait pas de problème d'autofocus qui semble toucher les premières séries. Canon tente d'y remédier en proposant une mise à jour du firmware, et si nécessaire une prise en charge par son SAV.
Le mode rafale propose une cadence impressionnante et un bon suivi AF, pour peu que le point ait été fait sur l'élément à suivre lors de la première photo! (capture d'écran Aperture - JF Vincent)
L'autofocus propose 19 collimateurs, un central et 2 couronnes concentriques. Ceux-ci occupent bien l'espace du viseur, si bien qu'il y en a toujours un pour faire le point, même sur un sujet excentré. De plus, étant tous en croix, ils offrent une mise au point très rapide et précise, même en conditions de faible luminosité. Concrètement, là où sur le 5D le collimateur central est clairement plus discriminant que les autres, et ces derniers se retrouvent un peu noyés dans l'immensité du viseur, le 1D marque clairement une avancée, qui ne profitera pas qu'aux photographes de sport! Portraitistes adeptes de la règle des tiers seront également comblés, car il leur sera plus facile de trouver un collimateur sur l'oeil du sujet tout en peaufinant leur cadrage.
Les réglages de l'autofocus sont plétoriques: on peut n'en garder qu'un nombre réduit, choisir un suivi du sujet (Ai Focus) ou bien une mise au point simple (One Shot), privilégier une mise au point plus précise ou bien plus rapide, régler finement l'autofocus en fonction de son parc d'optiques etc... En revanche, le pilotage de l'autofocus nécessite un vrai temps d'adaptation, car il nécessite tout à la fois le joystick (pour passer du collimateur central aux autres), la molette avant pour alterner entre les cercles de collimateurs, et enfin la roue arrière pour choisir le collimateur voulu. Une opération à 4 boutons là où sur les 40D et 5D, on peut, via une fonction personnalisée, tout piloter depuis le joystick.
Le mode Live View est étonnament pratique. Officiellement réservé aux prises de vue sur trépied, on peut également l'envisager à main levée avec une optique grand angle qui favorise la profondeur de champ, tandis que le mode loupe permet une mise au point vraiment très précise (plus encore qu'à travers le viseur!).
On attendra cependant que Canon implémente l'autofocus par détection de contraste (comme le font les compacts mais aussi d'autres marques de réflex, tel Panasonic) pour que son usage ne reste pas anecdotique. En effet en l'état, le mode Live View désactive l'AF, ou bien nécessite une "longue" remontée du miroir pour en bénéficier. Les photographes de studio ou ceux qui souhaitent piloter l'appareil à distance sont en revanche comblés. Il est même possible de régler la mise au point à distance depuis un PC!
Les images
Le 1D MkIII n'est certainement pas à réserver à la photo sportive! Cette photo en fort contre jour illustre bien le fort potentiel des images, avec la possibilité de déboucher / densifier les zones dans des proportions très fortes pour peu que l'on photographie en Raw (JF Vincent)
Le Canon 1D Mark III est perçu (vendu?) comme l'appareil sportif par excellence. Pourtant, dès l'examen des premières photos, on se rend compte que son potentiel est bien plus vaste et peut s'appliquer à tous les champs: le portrait, le noir et blanc, le paysage... tous les champs lui sont ouverts pour peu que vous n'ayez pas besoin d'agrandissements extrêmes et que les nécessités de recadrage soient modérées. Le format 50x75 est tout à fait envisageable avec un post traitement soigné.
L'examen des images révèle tout le savoir-faire de la marque, et de vrais progrès:
- L'exposition est extrêmement précise, et sur le millier d'images engrangées, dont certaines dans des conditions lumineuses exécrables, je n'ai pas réussi à le mettre en défaut. Les corrections à appliquer ne dépassent pas 1 IL pour atteindre l'effet désiré. Excellent point!
La Fiac s'invite au jardin des Tuileries - 17 mm - Paris (JF Vincent)
- Le traitement des Raw sur 14 bits laisse une énorme lattitude de post traitement. Les hautes lumières et les ombres peuvent être corrigés finement, sans que le résultat ne paraisse artificiel. En Jpeg, la fiabilité de l'exposition donne des images prêtes à l'emploi dès leur sortie du boîtier. J'ai été étonné de n'avoir aucune retouche à y appliquer dans la plupart des cas!
- Canon s'est imposé comme le leader dans le traitement des hautes sensibilités. Ce sentiment se confirme sur le 1D MkIII: armé d'une optique ouverte, calé à 3200 Isos, on obtient de très belles photos nocturnes sans le moindre flash! Amateurs de noir et blancs, préparez-vous à voir un grain très doux et agréable.
Si sur le papier Nikon semble vouloir aller encore plus loin sur son futur D3, poussant jusqu'à 25600 Isos contre 6400 chez Canon, les premiers samples semblent montrer qu'à sensibilité identique, Canon reste toujours à égalité ou légèrement devant...
Centre Pompidou - Paris - 50 mm f1,6, 1600 Isos (JF Vincent)
- Je ne suis pas adepte des styles d'image, qui n'ont finalement leur utilité qu'en Jpeg. Gardez à l'esprit qu'en Raw, à part le logiciel maison Canon, les autres dérawtiseurs ne tiendront pas compte de ce paramètre, car ils intègrent leur propre moteur de rendu qui interprète les images différemment de Canon. C'est le cas d'Aperture par exemple.
- Par ailleurs, même si les premiers commentaires vantent la qualité de la balance des blancs auto, je ne l'ai pas trouvé infaillible pour ma part. Les éclairages mixtes ou tungsten laissent toujours une dominante un peu jaune sur les clichés. Raison de plus pour photographier en Raw et corriger ces petits défauts sans détériorer l'image!
Quel plaisir de trouver enfin des photos sans poussière parasite! Malgré de nombreux changements d'objectifs, les ciels et aplats ne se sont pas vus encombrés de points parasites qui sont - il faut l'avouer - une vraie plaie sur le Canon 5D, et constituent peut-être son vrai point faible. Entre le traitement antistatique de la chambre réflex et le nettoyage du capteur par vibrations, Canon a fait ici aussi un beau travail. Fini la crainte de fermer à f16!
La Vélib' attitude - Paris - 50 mm f3,2, 1600 Isos (JF Vincent)
La batterie, enfin passée au format lithium ion, a permis d'abaisser légèrement le poids du boîtier par rapport à son prédécesseur. Elle lui confère une excellente autonomie, que je n'ai pas testé scientifiquement cependant. Le cap des 1000 photos par charge est en tout cas largement franchi.
Le chargeur livré permet de recharger simultanément 2 batteries tout en les préservant. En revanche, il est particulièrement encombrant!
Un mot sur le prix
Coucher de soleil sur la Seine (JF Vincent)
A près de 4500 Euros, le Canon EOS 1D Mark III est un boîtier du domaine du rêve pour beaucoup. A l'heure où 3 boitiers proposent la même définition de 10 MPixels dans la gamme (400D, 40D et 1D MkIII), on pourrait s'interroger sur la pertinence de ce prix.
Si Canon fait bien évidemment une marge sur chacun de ses boîtiers vendus, le prix du 1D n'est pas aussi disproportionné qu'il ne peut paraître:
- Pour l'utilisateur, il apporte toutes les avancées de la marque, sans la moindre concession. La plupart des pièces lui sont entièrement spécifiques (module AF, capteur APS-H plus grand que sur ses 2 confrères), construction tropicalisée, excellent viseur 100 %, cadences record etc...
- Dans un récent article, nos confrères américains de Rob Galbraith se sont rendu tour à tour dans les usines de Canon et Nikon. Ils ont publié un article très instructif sur la genèse du Canon 1D Mk III et sa fabrication. Par analogie aux chaines de montage Nikon, on s'aperçoit que ces boîtiers sont largement assemblés à la main, avec de nombreux contrôles tout au long de la chaîne de fabrication. Rien à voir avec la production beaucoup plus élevée d'un 400D!
Une production plus faible, des dépenses de R&D, une fabrication qui requiert de nombreuses interventions humaines... Tous ces facteurs contribuent à en faire un boîtier coûteux à fabriquer.
Halos sur Notre Dame - Paris (JF Vincent)
Pour qui?
Au-delà des photographes de sport et des reporters qui sauront justifier le prix d'un tel objet, les qualités du Canon 1D Mark III en font un appareil susceptible d'intéresser un public plus large. Pour les amateurs "experts" qui veulent s'offrir un bel objet, mais également pour les photographes d'autres domaines (mariage etc), la qualité des images délivrées ne décevra pas.
Finalement, pour ces utilisateurs, le vrai concurrent est peut-être, au sein de la gamme Canon, le 5D. Ce que l'on perd en définition est largement compensé par l'autofocus plus performant, l'ergonomie et la robustesse de l'ensemble.
Il ne fait pas de doute que ce Canon 1D Mark III est un appareil attachant qui ne laisse pas indifférent! C'est bientôt Noël, au cas où vous ne saviez pas quoi m'offrir :)
Jean-François
