Autant l’annoncer dès la première ligne, le tarif du Leica M8 se justifie par la construction superlative du boitier, du plaisir ressenti à la prise de vue et par les résultats obtenus. Un boitier hors norme qui vous suivra partout dans des conditions les plus extrêmes.

Le Leica M8 rendra les meilleurs services à la seule condition de se pencher avec une attention toute particulière sur son mode de fonctionnement, ses réactions, la visée télémétrique… Un retour aux sources, d’une réflexion photographique authentique avec une modernité tout aussi stupéfiante. Le Leica M8 comporte, malgré tout, des défauts que certains jugeront comme des qualités…

Je suis d’une génération de photographe qui a débuté avec l’argentique dans un mode uniquement manuel, j’ai aussi passé le cap du numérique avec bonheur et facilité. Cette conversion vers le numérique, avec tous ses avantages, fait vite oublier les réflexes acquis de la photo argentique et de ses contraintes.

Je reconnais être parti avec un à priori négatif sur ce Leica M8, à cause de son prix et de cet aspect basique. Mais, connaissant, par le passé, la société Leica et tout le sérieux que j’ai pu y rencontrer, il me semblait peu probable qu’une entreprise aussi prestigieuse puisse sortir un produit numérique avec des fonctions « basiques » à un tel prix. J’ai lu les commentaires de la presse sur le Leica M8 qui, d’une manière globale, juge excellent le M8, mais avec une sévérité sur la sobriété excessive du boîtier, de son ergonomie trop rigide… Des griefs qui peu à peu se sont estompés par la pratique, mais aussi par les résultats.

Prestations techniques du Leica M8.

Certains pourront penser et dire que les prestations techniques du Leica M8 sont trop simples en faisant référence avec d’autres appareils numériques… Ce serait une grossière erreur d’appréciation, car le choix de Leica s’est effectué en fonction d’un cahier des charges extrêmement rigoureux. Préserver la compatibilité avec la gamme des optiques M sans perte de qualité.

Capteur Kodak de 10.3 millions de pixels avec un coefficient multiplicateur de 1.3.
Pas de système AF (autofocus).
Mise au point par une visée télémétrique.
Mesure de la lumière par pondération centrale.
Viseur avec une correction optique de 0.5 dioptrie.
Programme automatique par la priorité au diaphragme.
Mode manuel.
Plage de sensibilité de 160 à 2500 ISO.
Analyse automatique, manuelle ou configurée de la mesure de la lumière.
Format DNG et JPEG couplé ou séparé avec choix de la résolution au format JPEG.
L’application Capture One LE est livré avec le Leica M8 pour le processus de dérawtisation.
Mode rafale (C) à 3 images/sec ou simple (S).
Toutes les optiques Leica M sont acceptées sur le M8, à condition qu’elles soient compatibles et codées (retour atelier).
Stockage des images sur carte au format XD.
Doc umentation PDF du Leica M8

Un capteur Kodak dans le M8.

Les ingénieurs Leica ont choisi, après de nombreuses études, le capteur Kodak de 10.3 millions de pixels, avec un coefficient 1.3 plutôt qu’un capteur plein format. C’est un choix de raison pour conserver toutes les qualités optiques des objectifs M. en effet, si le choix s’était porté sur un Full Frame il y aurait eu des conséquences négatives (angle d’incidence trop important des rayons de lumière) sur le résultat final des photos. De plus, un capteur Full Frame aurait requis de nouvelles optiques…

Le capteur Kodak est facilement accessible pour un nettoyage simplifié.

Leica M8 et le format DNG.

Curieusement, Leica n’a pas voulu lancer un format RAW propriétaire, il a opté pour le format DNG (format théoriquement universel)

Ce choix exclut, pour le moment, Aperture, même après conversion du DNG Leica par DNG Converter.

Car Aperture est capable de travailler sur le format DNG à condition qu’il y ait une conversion en mode non linéaire !!!

Leica fournit l’application Capture One pour le processus de développement. Il est aussi possible d’utiliser Lightroom… Entre les deux applications, j’aurai une nette préférence pour Capture One au rendu beaucoup plus naturel. Avec l’espoir impatient que la version d’Aperture supportera tous les formats DNG…

La prestation physique du Leica M8.

La prestation du M8 semble encore plus minimaliste que les Leica M argentiques ; le sélecteur de sensibilité ou le bras d’armement pour entrainer la pellicule ont été supprimés.

Le dessus du boitier fait apparaître un déclencheur, un sélecteur pour le mode Simple, Continu ou Retardateur; la roue sélective de la vitesse pour le mode manuelle et enfin la griffe d’attache du flash.

Contrôle de la qualité sur l'écran ACL

L’arrière du boitier affiche un écran ACL pour visualiser les photos et régler les différents paramètres de l’appareil.

La batterie et la carte mémoire sont logées sous le socle du boitier. Un gain de place, mais aussi de protection supplémentaire contre les intempéries et la poussière.

Voilà, en partie, les principales caractéristiques du Leica M8. Un boitier aux antipodes des appareils reflex numériques aux fonctions complexes et souvent, très peu ou mal utilisées par une grande partie des utilisateurs.
Les ingénieurs Leica sont revenus aux sources essentielles de la prise de vue : un photographe qui cale son Leica sur un réglage de prise de vue, qui compose la scène dans le viseur et qui déclenche au moment désiré…

L’absence d’un mode autofocus (pour cause de la visée télémétrique) n’est absolument pas un problème, bien au contraire et avec un minimum d’habitude les photos sont plus précises dans leurs nettetés.

Une sobriété, peut-être, excessive qui peut occasionner des erreurs d'inattention.

En revanche, l’absence d’un bouton de fonction pour la correction d’exposition et l’absence de l’affichage sur le boitier de la sensibilité ISO m’ont souvent occasionné des erreurs. En effet, l’affichage du réglage des ISO et la correction d’exposition sont accessibles uniquement à travers les menus. Ce sont les deux reproches que je fais sur la conception du Leica M8.

La pratique du Leica M8.

Dans un premier temps, j’ai été déconcerté par l’extrême sobriété des réglages du Leica M8 en comparaison des reflex numériques de dernières générations bardés d’un nombre impressionnant de fonctions et boutons pour faire face, en principe, à toutes les situations.

La visée télémétrique exige de reprendre de nouvelles habitudes visuelles pour la mise au point et de mieux évaluer le champ couvert par l’objectif… Du temps aussi pour comprendre les réactions du capteur Kodak et l’unique mesure de la lumière dans un mode pondéré centrale. Pourtant, j’ai, par le passé, utilisé un Leica M3 pendant quelques années… c’est dire à quel point les appareils « modernes » ont phagocyté les acquis de l’argentique et plus encore les appareils avec une visée télémétrique.

En fait, il faut ainsi mémoriser mentalement quelques scènes photographiques et quelques lumières pour caler avec la meilleure efficacité les règles d’expositions.

Attention, les réglages ISO et la correction d’exposition ne sont pas visibles sur le boitier, mais uniquement à travers les menus de configurations.

Le Tri-Elmar-M: une optique superlative qui couvre le 16 - 18 et 21 mm; idéale pour l'architecture.

Petite déconvenue avec la température de la couleur qui n’est pas toujours fidèle. Mieux vaut se fier la mesure sur une feuille de contrôle étalonnée. Une autre possibilité : laisser le mode automatique de la température de couleur et la corriger pendant la phase de dérawtisation.Il est à noter que c’est plus un décalage de teinte que de température.

Le capteur Kodak est excellent avec une tolérance, selon les circonstances, proche du film négatif.

La qualité du capteur Kodak et du processeur d’image assure un travail minimum dans le processus de dérawtisation. L’étendue de la gamme tonale est excellente avec une dynamique de l’image très naturelle.

Il est envisageable de pousser la sensibilité à 1250 ISO sans que le grain numérique soit trop sévère pour le rendu final de l’image. Pour le noir et blanc à 1250 ISO le grain numérique se confond avec celui de l’argentique.

Il y aurait, encore, énormément de choses à écrire sur la pratique du M8 et de quelques astuces pour accélérer la prise en main d’un boitier aussi prestigieux.

Il n’est pas impossible que je fasse d’autres tests avec d’avantages d’expériences sur le terrain et avec d’autres optiques que 28 mm F2. Compte tenu du coefficient 1.3 du capteur, de la visée télémétrique et du type de boitier, je serais plus favorable à utiliser un 21 mm qui me semble être une optique de prédilection pour le Leica M

Photo prise avec le Leica M8

Ce que j’en pense…

Le Leica M8 est l’une des dernières marques à concevoir des appareils photographiques où le mot compromis n’existe pas. La conception du M8 est faite sur la base des meilleurs choix technologiques du moment en préservant la compatibilité avec une grande partie du parc d’optique Leica M.
Le Leica M8 est un appareil photo de travail qui trouve idéalement sa place pour le reportage, mais aussi pour d’autres domaines comme le paysage, l’architecture, le portrait. En revanche, la macrophotographie n’est pas un domaine où le Leica M8 sera à l’aise (problème lié à la visée télémétrique et aux problèmes de parallaxe).
Les résultats et le confort photographiques sont à la hauteur du coût du Leica M8 mis à part quelques problèmes sur la valeur de la balance des blancs en mode automatique. Il convient d’avoir sur soi une chartre blanche étalonnée pour effectuer la bonne mesure.
Le gros défaut que je fais sur ce Leica M8 est l’absence de repères dans le viseur d’information sur la valeur des ISO et l’éventuelle correction d’exposition.
Ces deux défauts se retrouvent lorsqu’on doit changer rapidement la sensibilité ou (et) corriger la compensation d’exposition… vous êtes obligé de repasser par les menus sur l’écran ACL.
Ces deux défauts d’ergonomies peuvent avoir des conséquences photographiques quand on pense photographier à 160 ISO alors que l’appareil est toujours à 1250 ISO…
Plus haut, dans l’article, J’écris que le tarif du M8 était justifié quant aux qualités globales du Leica M8, de la qualité superlative de sa fabrication et des résultats photographiques que l’on obtenait. Ceci étant dit, on ne peut plus parler, à l’heure du numérique, d’investissement quand on connaît l’obsolescence technologique des produits numériques… La question est posée, mais je n’ai aucune réponse rationnelle pour rassurer, sur ce point, les futurs acquéreurs du Leica M8.
Le Leica M8 n’est pas juste un produit de prestige, c’est avant tout et surtout un appareil photo qui se destine à un vrai travail photographique. Il s’adressera plus logiquement aux professionnels de l’image ou à des passionnés.

Le Leica M8 est un appareil hors norme construit avec la meilleure technologie du moment tout en préservant l'esprit des boitiers de la série M et la compatibilité des optiques M.

Un respect de la tradition qui se paie très cher !